Tuesday, February 07, 2006


27/01/06 - Dakar, Senegal

Aujourd'hui, Tante Helene est partie.

En fait, elle est partie depuis la nuit de Mardi a Mercredi mais je viens seulement de l'apprendre aujourd'hui. Alors Tante Helene est partie aujourd'hui. Mais elle reste aussi. Pour en etre sur il faut que j'ecrive, il faut que je raconte. Il faut que je me souviennes. Pour elle, pour moi.

"On va voir les tantes."

Quelle aventure que celle-la. Tout ca a du commencer avant meme que ma memoire commence a operer plus rigoureusement. Je ne me souviens donc pas du commencement. Mais je me souviens bien de l'habitude, de la routine qui s'etait installe. Cette aventure je la vivais surtout avec ma grand-mere. Venant de cet endroit perdu quelque part dans l'histoire de comment je suis venu au monde, ce pays des montagnes noires ou le gris reigne et la pluie domine, le pays des clochers, des petits bourgs, des rues desertes, des marches etonament vivant, la nature galopante, indomptable, l'agriculture industrialise, les vieux, les jeunes, venant de cet endroit donc, ma grand-mere etait surement la plus apte a m'y faire rentrer. Elle connait le chemin, elle sait pusiqu'elle y a grandit.

Motreff.

La ville dont je viens mais ou je ne suis jamais reste. Le chemin de Rostrenen a Motreff semblait si complique, avec ses quelques indications comme la grande croix en pierre ou le haut tallus ou il faut prendre a gauche ou a droite, que je me demandais comment ma grand-mere se retrouvais. Champs apres champs, bosquets, tallus, routes goudronnees mais pas trop, maisons aux murs blancs et toits en ardoise, oui en ardoise.

Rien jusqu'a cette rue.

La rue, ou semble-t-il ma famille avait habite depuis... La premiere maison, non pas de la rue mais de la famille, est sur la droite. A gauche, des champs a perte de vue. Un enfoncement dans ce pays jadis volcanique permet une vue plongeante sur ces champs de couleurs qui variaent du vert fonce au maron en passant par le jaune parfois parsemes de tache blanche et noire, le betail qu'on abat ou que l'on eleve pour son lait. Par si par la, des fermes, des villages sans nom et sans adresse dans ce tableau campagnard dans lequel seul mon oeil peut s'aventurer, dans le comfort relatif du siege arriere d'une R5, mon cul sureleve par le siege enfant, obligatoire selon les regles encombrantes de Mamie.

Cette premiere maison a gauche donc.

Un long mur delimite la propriete. Sur le terrain plus eleve s'etale une grande marre de goudron ou l'on peut garer sa voiture. Un petit jardin de fleur et des plantes entoure ce parking insolite.

La maison, grande, surplombe encore cet espace du haut d'une terrasse carrele. Devant la porte, le paysage d'en face semble s'etre enfonce encore plus bas dans la terre, dans le terroir. Tout petit deja, cela me semblait trop petit. Mais grand quand-meme. Une grandeur qui ne se justifie pas par la taille mais par le temps.

Sonner la porte.

Un temps, deux temps. Le verrou tourne et Tante Helene apparait. Ou non, etait-ce par le garage plutot? Pourquoi rentrer par la porte de devant. C'est par le garage. Apres, le cuisine. Tante Helene, petite, bien en chair, rigolote. Je ne pouvais pas vraiment distinguer la forme de son corps car je pensais tout le temps etre trompe par les multipes couches de vetements qu'elle semblait porter.

Je n'ai pas encore l'age pour le cafe.

Alors ca doit etre le chocolat. Et la crepe! Bien sur, la crepe. Au beurre, quoi d'autre?! C'est tout un art! Une bonne crepe est fragile. Et ces couteaux en fer au manche carre, a la tete ronde et aux dents pointus, ces couteaux qui existent partout la d'ou je viens, ils peuvent facilement detruire une crepe bien faite, surtout dans les mains d'un petit garcon qui aime trop le beurre. Donc peut-etre que Tante Helene me la beurre cette crepe. Puis elle parle. Pas du temps, c'est le meme. Pas de bonnes nouvelles, y-en a pas. A vrai dire j'ecoutais peu ces conversations des grands. Mais quand je dis grands je veux dire vieux mais par respect je dirais juste grands. Non je me rappel mieux du gran feu de bois qu'on avait fait 'Tonton Louille' et moi. Tonton 'Louis' ou Tonton 'Louille'? Je sais plus mais le feu etait immense. On aurait pu voir la fumee d'un avion qui volait haut, tres haut. Les craquements, les sifflements du bois qui doit ou bien crier sa souffrance ou bien crier sa joie. La souffrance de quitter ce monde par le feu. La joie de d'etre libere par le feu, libere du poids, de l'immobilite, transforme en la legerete, disperse, fumee.

Partir en fumee.

Pourquoi Tante Helene etait la plus marrante? Est-ce que c'etait sa relation particuliere avec Mamie? Est-ce que c'etait parcequ'elle me gatait tout le temps? Est-ce que c'etait son homme, qui m'aimais bien et que j'aimais bien? Tante Helene me comprenais. Elle savait que ca ne m'interressais pas toutes ces conversations de vieux. Moi, la crepe au beurre et bruler du bois, c'etait ca mon truc.

Qui est cette famille bretonne qui est la mienne?

Tante Louise, Tante Susane. J'ai l'impression d'avoir toujours connu ces personages de ma terre natale et a la fois je ne les ai jamais compri, entendu, inclu. Moi, d'ailleurs, Breton bien sur, mais si etranger. Ma Mamie, fier bien sur, mais fier de quoi? Du sang? Du lien? La descendance. Le vecu. Vivre pour quelquechose. Que l'histoire de onze freres et soeurs Dantec se perpetu. Qui? Moi? Le Breton exile.

La Bretagne...

Et tous ces vieux. Fils de ploucs. Pas vraiment. Petit-fils de ploucs. Peut-etre. C'est moi? Oui, et non! Tante Helene est partie, qu'est ce que ca veut dire? Les gens ne partent jamais. C'est moi qui part. Et peut-etre que je reviens. Les autres ne peuvent pas partir. Ils ne sont jamais partis. Sauf Tante Louise peut-etre qui est arrive jusqu'a Paris. Sauf ma mere bien sur mais ca ne compte pas.

Ne peut-on vraiment echapper a la Bretagne que par la mort?

Non bien-sur. Et puis pourquoi s'echapper? Il n'y a pas besoin de s'echapper. Sommes-nous vraiment loin de la soupe au pain?

Se rouler dans l'herbe avec ma cousine.

Sur la pente gazonee devant chez Tante Louise. C'etait marrant. Ca devait etre l'ete. Mais quelle ete?

Ca fait si longtemps que je suis parti!

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